studio-théâtre
vitry


Il neige sur la rue et là-haut sur la forêt, oh ! comme la forêt doit être belle en ce moment ! Comme on voudrait y être !

Klara : Si on se met maintenant à penser à un paysage tranquille, avec tous ces bois, ces collines, ces grandes prairies, tout cela étalé au-dehors, tandis qu’on est là assis sous les lustres d’une salle de théâtre, comme c’est étrange. Mais peut-être que tout fait partie de la nature. Pas seulement les grandes choses calmes du dehors, mais aussi les petites qui remuent et qui sont faites par l’homme. Un théâtre, c’est aussi la nature.

Ces deux extraits du texte nous invitent à réfléchir au lien entre l’espace clos de la scène, la présence obsédante de la nature, et le geste artistique. L’espace doit être une réflexion en acte sur le désir et sur le rapport à l’art. Désir qui est ici celui, naïf, enfantin, archaïque, de voir la forêt, de s’y perdre, de s’y sentir petit. Et ce désir n’est actif que s’il reste insatisfait. Le théâtre de Walser, comme nous le fait sentir la pensée exaltée de Klara (ci-dessus), a besoin de la clôture, de la matière, de la lumière artificielle, pour être cet élan vif et mélancolique vers la nature. Ce paradoxe, c’est une définition de l’art.

Notre recherche : traduire au plateau le voyage (concret et intérieur) des personnages vers ces forêts fantasmées. Mettre en jeu la langue romanesque pour donner à la page blanche du plateau les reliefs qui seront les portes imaginaires vers l’ailleurs. La figure du peintre Kaspar, frère de Simon (inspirée du propre frère de Robert Walser, Karl Walser, peintre reconnu et scénographe de Max Reinhardt), et la vidéo, nourrissent notre réflexion sur l’espace. A Karl Walser, nous empruntons la simplicité, la pureté du trait, qui a à voir avec la ligne claire et qui inspire autant le décor que le jeu des acteurs. Nous avons imaginé un espace clos, non figuratif, où naissent les personnages, qui sont autant nos semblables que nos fantasmes littéraires. La nature, les forêts nocturnes, sont à la fois les rêves d’un artiste pétri de romantisme et des cauchemars à hauteur d’enfant. La vidéo qui les donne à voir et fait vivre notre espace blanc n’a pas de fonction illustrative, mais propose des points de fuite, des échappées, une sensation du temps, pour finalement laisser le dernier mot à la neige, aux traces qui s’y inscrivent et disparaissent. Traces qui s’effacent, passage dont il reste si peu.
Le temps venait sans bruit et s’éloignait de même.