Personne ne sait comment ça va se passer
Septembre à décembre 2024
"À Vitry-sur-Seine, avenue de l’Insurrection, il y a un pavillon au milieu des pavillons qui abrite un théâtre. De l’extérieur ça se devine à peine. Ici des gens viennent jouer, travailler, faire des tentatives, se rencontrer. Ce sont des artistes, des spectateur·rice·s, des voisin·e·s ou des gens venu·e·s d’un peu plus loin. Voilà 60 ans que ça dure, dont 40 années à cette adresse précisément.
Le Studio-Théâtre est un endroit rare, précieux pour les artistes et pour toutes les personnes qui le fréquentent. C’est une sorte de théâtre public à petite échelle. On y travaille à la loupe, calmement, on peut s’attarder sur les questions qui nous importent.
C’est à la fois un studio et un théâtre : un studio pour répéter, créer, affuter, chercher, essayer, rater et chercher encore ; un théâtre pour montrer, regarder, jouer, s’étonner, toujours à plusieurs, en assemblée. Il y a aussi toujours de quoi grignoter, on s’y sent assez vite chez soi.
La direction du Studio-Théâtre est confiée à des artistes qui s’y installent tour à tour pour quelques années et l’habitent de leurs questions, de leurs expériences et de leurs ignorances. Depuis le mois de janvier 2024 et pour les prochaines années, j’ai la chance de prendre le relais.
Nous sommes donc au début d’un nouveau moment pour le Studio-Théâtre, une page pas tout à fait blanche car le lieu a ses usages, son histoire, des missions qu’il s’est donné au fil des années et qui font son importance.
Ce qui rend si précieux le Studio-Théâtre, c’est d’être propice aux tentatives. Alors nous allons mener des expériences. Des expériences d’art, de rencontres et de pensée.
Nous allons expérimenter des manières de jouer, d’occuper le plateau, de regarder, de se parler, d’accueillir et aussi de sortir de chez soi, des manières d’être un théâtre public, des manières d’être un studio. Sans savoir à l’avance où tout cela nous mènera.
Deux idées, deux exigences, deux champs d’exploration dessinent le projet du Studio-Théâtre pour les prochaines années : celle d’un abri dédié à la création et la recherche et celle d’un atelier permanent du regard.
Un abri pour créer et chercher
La maison poursuit sa mission d’accompagner la création de spectacles singuliers. Des équipes artistiques s’installent au Studio pour plusieurs semaines, y font naître leurs créations et y jouent leurs premières représentations lors des Ouvertures. D’autres viennent quelques jours pour amorcer un travail ou pour s’accorder un temps de recherche, sans obligation de résultat.
Nous mettons à l’étude cette notion d’accompagnement et le rôle que peut jouer le Studio-Théâtre au regard des besoins des artistes, des moyens du lieu et des enjeux de notre secteur professionnel. Nous voulons élargir le champ du dialogue avec les équipes, de la dimension artistique aux questions de production, en se donnant du temps.
C’est le début, nous commençons ce travail avec les équipes accueillies cet automne ainsi qu’avec les trois compagnies associées qui participeront à la vie du Studio-Théâtre pendant trois ans : la compagnie Légendes Urbaines, le groupe La Galerie et le Groupe T.
La compagnie Théâtre Déplié que je dirige s’y installe elle aussi. C’est ici que vont s’élaborer, se rêver, se créer nos prochains spectacles. Notre théâtre tâtonnant, qui dimensionne des questions de notre temps à l’échelle du plateau, qui place acteur·rice·s et spectateur·rice·s à égalité de savoir et d’ignorance, ce théâtre que nous faisons et qui nous fait, va se frotter aux questions posées par le Studio-Théâtre et par ses alentours. C’est une situation nouvelle et réjouissante pour nous.
Un atelier permanent du regard
Vous verrez en parcourant le site que les rendez-vous proposés cet automne ne sont pas que des spectacles. On peut venir pour un Atelier Libre, de jeu ou de chant, pour suivre une répétition, vous pouvez même passer un week-end entier au Studio-Théâtre. Toutes ces activités font la vie artistique de la maison, la nourrissent et la déplacent. C’est aussi là que le théâtre s’invente. C’est aussi là, avec celles et ceux qui y participent, que s’expérimentent des formes de langage, des manières de regarder, des modalités de rencontres.
Avec cette idée d’Atelier permanent du regard, nous voulons faire du Studio-Théâtre un petit laboratoire du théâtre public. Où l’on expérimente et où l’on observe. Où l’on tente de faire voyager les questions qui nous occupent dans différents contextes, d’un atelier de jeu en lycée à la représentation d’un spectacle, d’un parcours de spectateur·rice à un temps partagé entre artistes, chercheur·euse·s et public. Où l’on invite tous les points de vue qui composent l’assemblée théâtrale autour de questions communes, par le jeu et la discussion.
Et la première question que nous voulons mettre en partage est celle de l’activité de spectateur·rice.
Qu’est-ce que regarder un spectacle aujourd’hui ? Comment parler de ce que l’on reçoit ? Que faire de nos enthousiasmes ou de nos malaises face à une œuvre ? Comment aiguiser nos regards et outiller notre esprit critique ? Que nous reste-t-il d’un spectacle vu il y a 10 jours ou il y a 10 ans ? Comment les spectacles sont-il altérés par la manière dont ils sont regardés ?
C’est le fil qui reliera les différentes activités du Studio. Comme une longue conversation, comme une enquête collective réunissant toutes les personnes qui viendront au Studio-Théâtre.
L’enquête a déjà commencé, la question est au cœur de ma recherche théâtrale depuis toujours et les artistes associé·e·s s’en sont emparé joyeusement. Elle se déploiera les 12 et 13 octobre lors du Week-end au Studio et se poursuivra tout au long de la saison avec tou·te·s celles et ceux qui viendront, proches voisin·e·s ou voisin·e·s lointain·e·s, qui ouvriront la porte du Studio-Théâtre.
Venez donc! Venez et revenez!
Adrien Béal avec l’équipe du Studio-Théâtre de Vitry