studio-théâtre
vitry


Delphine Hecquet : "Je pars donc de l’écriture au plateau pour ensuite écrire la pièce. Je crois qu’on ne peut pas faire surgir ce texte sans l’avoir déclenché d’abord avec l’expérience du plateau, avec la force de proposition des acteurs. Je dois penser la pièce en japonais pour l’inscrire dans son paysage d’origine, pour être au coeur du phénomène social, et en faire surgir toute la complexité, et le choc culturel qu’il représente pour nous, Occidentaux. Aussi, d’avoir expérimenté les improvisations en japonais a permis de plonger dans cette langue qui m’est si étrangère, d’en ressentir la puissance poétique, sa différence. Le fait de créer un spectacle en japonais impose un rythme nouveau pour moi. Les acteurs improvisent en japonais, aussi, il y a un décalage entre ce qui se passe en direct sur scène et le temps de la compréhension. Au lieu d’en faire un obstacle, j’envisage cette distance comme un espace de rêverie, où sans rien vraiment comprendre, je peux ressentir et imaginer. Les acteurs savent que je ne comprends pas ce qu’ils disent en temps réel, et cela les rend plus libres de ‘’se tromper’’, de ‘’rater’’, de ne pas se concentrer sur la langue puisque je ne peux pas encore en saisir l’épaisseur, les détails, l’originalité.
L’acteur français Marc Plas, qui joue le journaliste, a pu ainsi expérimenter les difficultés de communication, se sentir étranger, ce qui était important pour la suite de l’écriture. Ce personnage est un lien entre la langue étrangère et le spectateur, il accompagne la compréhension, puisqu’il parle dans sa langue maternelle (le français). Il joue également avec le problème de communication créé par la rencontre avec des Japonais. Il ne s’agit pas de contourner la difficulté d’un spectacle dans une langue étrangère, mais bien d’en utiliser toute la cocasserie, toute la richesse de l’échange, des impossibilités, de faire apparaître ce qui nous échappe".