Studio-Théâtre
de Vitry

"Au-delà de Jarry et de Rimbaud, nombreux sont les écrivains serbo-croates qui auraient pu nous initier au dépaysement nécessaire de la littérature centre-européenne contemporaine. Chez eux, en effet, on aurait pu apprendre que les jeux de la haine et de la nécessité sont plus inépuisables encore que les marivaudages qui nous sont plus coutumiers dès lors qu'il est question des «usages de l'homme». Issu de cette tradition, le scénariste et écrivain Branimir Šćepanović, dont La Bouche pleine de terre est le troisième livre, est né en 1937 à Podgoritsa, quand l'Europe, vouée à ce que l'historien Peter Gay a appelé la «culture de la haine», était sur le point de se suicider une nouvelle fois. De la grande lignée de ces prédécesseurs issus de la Cacanie et adeptes de l'épopée, Šćepanović garde le sens épique, même s'il est moins tenté qu'eux par le grand roman en prose et plus enclin à renouer avec la vigueur rustre et primitive des chants homériques. Car c'est à cette aune qu'il faut mesurer l'entreprise littéraire, déjà presque légendaire, de Šćepanović.
Contemporain du malheur serbe, comme on a accoutumé de parler du malheur russe, il est un adepte du " local sans les murs ", qui a nom l'universel. Les tropismes de fuite et les désirs de mort qui sont au cœur de la tragédie grecque se retrouvent pareillement au cœur de ses romans et nouvelles. Si La bouche pleine de terre, avec ses airs de parabole judéo-chrétienne est une œuvre de la maturité, c’est bien parce que ses thèmes et sa facture se retrouvent dans toute son œuvre. A chaque fois, dans ses nouvelles et ses scénarios, l'écrivain serbo-croate décline les thèmes éternels de la fuite, de la mort volontaire, mais aussi du salut. "

Pierre-Emmanuel Dauzat

Dès 1961, il écrit scénarios et romans mais rapidement, il s’épanouit dans l’écriture de récits courts. La mort de Monsieur Golouja, Le Rachat et La Honte sont les nouvelles marquantes qui font sa réputation.
La Bouche pleine de terre, traduite par Jean Descat est publiée en langue française en 1974 aux Éditions L'Âge d'Homme. Cette traduction connait un vif succès dès sa parution.
Ce récit traverse le temps et a déjà conquis des générations de lecteurs. Réédité en France jusqu’en 2008, ce texte est considéré aujourd'hui comme un classique de la littérature serbe. Ce sont les éditions Tusitala qui réédite le texte en janvier 2019.